Dieu, comme tu étais belle,
Assise un verre à la main ;
Inaccessible aux mortels,
Présents en ce salon mondain !
Nos deux chemins s’étaient croisés,
Au gré du facétieux hasard ;
Deux cœurs qui semblaient blasés,
Mais bien moins qu’on pouvait croire.
Je jouais au fier étalon,
Tu te posais en crève cœur,
Ton front altier en disait long
Sur ta barre placée en hauteur.
Je fis quand même le premier pas,
Aventurant un compliment,
A table, pendant le repas,
Creux, digne d’un mauvais roman.
Mais, à ma grande surprise,
J’eus droit à un franc sourire ;
Puis, du gâteau j’eus la cerise :
Un clin d’œil avant de partir.
Nous nous revîmes maintes fois,
Mais restions sur nos réticences,
Laissant, par prudence, le choix
A l’autre de risquer sa chance.
L’amour naquît mais, par défaut,
S’endormit faute de chaleur,
Personne n’ayant fait ce qu’il faut,
Pour qu’il franchise le seuil du cœur.
Avec le temps, nos deux chemins,
Las de suivre deux parallèles,
Allèrent chacun vers son destin,
Au grand dam des amours réelles.
Quel gâchis, pour notre amour,
De faire les frais d’autant d’orgueil ;
Quelle triste fin, pour un parcours,
Brisé, à peine franchi son seuil !
Nous nous croisâmes bien plus tard,
Promenant nos petits-enfants ;
Nos regards s’allumèrent d’espoir,
Puis brillèrent d’un chagrin profond.
Je vis de l’amour dans tes larmes,
Et compris que le tien m’habite ;
Les amours que l’orgueil désarme,
Restent vivants, quand on se quitte.