LA ROUE TOURNE !
Il était une fois un bel homme
Qui, ayant dame chance à ses pieds,
Osa plus que ce qui à l'homme sied.
Et fit de l'univers son royaume.
*
Il prit l’existence à bras-le-corps,
Vécut à l’endroit, vécut à l’envers,
Mélangea les atouts et les travers,
Et causa autant de bien que de tort.
*
Il était humain, personne n’est parfait,
Il fallait bien que jeunesse exulte.
Pour que les passions sortent du tumulte,
Elles causent de collatéraux effets.
*
A l’âge mur, il tomba amoureux
D’un ange, dont la douceur n’avait d’égal
Que d’innocents yeux au regard fatal,
Sans lequel il ne pouvait être heureux.
*
Conquérir son cœur fut chose facile,
Car l’ange était sans expérience.
Il sortait à peine de l’enfance,
Et allait faire une épouse docile.
*
Ils vécurent heureux quelques années,
Mais la vie, qui parfois est trop dure,
Priva leur foyer de progéniture,
Condamnant leur bonheur à s’effaner.
*
Il avait un peu plus de trente ans,
Quand il quitta sa terre stérile,
Ce dur fermier des grandes villes,
Soucieux de produire quelques enfants.
*
Vouant l’ange déchu aux années mortes,
Il eut avec une autre deux enfants,
Misa sur eux sa fortune et son temps,
Et plein de rêves que l’âge emporte.
*
Les enfants, devenus grands, s’en allèrent
Laissant un foyer bâti autour d’eux
Tristement vide, au point de sentir creux,
Et des parents pas faits pour la galère.
*
L’épouse mal aimée, ayant encaissé
Les frasques du mari sans mot dire,
Décida alors de lui faire subir
Le calvaire, avant de le laisser.
*
Il se retrouva à soixante ans,
Livré à lui-même, en pleine pente,
Subissant une retraite différente
Et vivant la solitude au présent.
*
Il tint le coup pendant quelques hivers,
Mais les souvenirs ayant la vie dure,
L’image d’une épouse au cœur pur,
Revint lui infliger d’autres revers.
*
La conscience torturée, les remords
Commencèrent à lui miner le moral,
Le mettant nez à nez avec le mal
Qu’il lui avait causé et tous ses torts.
*
Il se demanda, les larmes aux yeux,
Ce qu’il pourrait être advenu d’elle,
Cette épouse aimante et fidèle
Qui fut victime d’un traitement odieux.
*
Mu par le regret et la solitude,
Il alla, contrit, à sa recherche,
Pour tendre une tremblante perche
A un cœur avec lequel il fut rude.
*
Plus de trois décennies, sans s’enquérir
De celle qu’il voudrait à présent revoir !
Reste-t-il encore quelque espoir
Qu’elle soit seule et veuille lui revenir ?
*
La vie nous offre des enseignements,
Sur lesquels on fait souvent l’impasse,
Préférant plutôt nous voiler la face
Que de nous arrêter sur nos tourments.
(inspiré par une histoire vraie)