Un petit chaton aveugle d’un mois,
Trouvé errant au début de l’été,
Grandit et, avec lui, grandit la joie
De ma famille qui l’avait adopté.
Espiègle, il suivait nos bruits de pas
Et s’amusait à mordre nos orteils,
Lorsque nous lui apportons ses repas ;
Aucun son n’échappait à ses oreilles.
Il devenait beau et très attachant,
Rompant la monotonie notoire ;
Je n’avais rien connu de plus touchant
Que de le voir marquer son territoire.
Il apprenait vite, en se cognant
A chaque meuble, à chaque objet ;
Jamais on ne le vit se résignant,
Face au mal dont il était affligé.
Il était admirable, ce chaton,
Au point de pouvoir faire illusion,
Car qui le verrait à nos pieds, sautant,
Ne croirait pas qu’il manque de vision.
Il m’accompagnait à chaque matin
Jusqu’au portail, au moment de sortir,
Puis retournait jouer dans le jardin,
Avide d’apprendre et de sentir.
Jusqu’au jour où, en quittant la maison,
Loin de me douter qu’il allait me suivre,
La voiture du voisin eut raison
De son inextinguible soif de vivre.
Le sort, cruel, se nourrit des larmes
De ceux d’entre nous qu’il prend pour cible ;
Contre lui, nous n’avons aucune arme,
Ses coups ont souvent un impact terrible.