Tu parles d’amour, tendre bourgeon,
Sais-tu de quoi tu causes,
Toi qui as la fleur des saisons,
La fraîcheur du bouton de rose ?
Que sais-tu des dernières chances
Et du sens du « presque trop tard » ?
Que sais-tu de la souffrance
De ceux qui aiment sans espoir ?
Que sais-tu de l’amour amer,
Quand on perd ceux qu’on a aimé,
Qu’on vit le cœur à découvert,
Endolori à tout jamais ?
Que sais-tu des yeux asséchés,
Taris, que les larmes désertent,
Des soifs d’amour non étanchées,
Pires que des plaies ouvertes ?
Qu’en sais-tu, toi qui reproches
Au cœur des aînés d’éclore,
Pensant qu’âge et bidoche
Interdisent d’aimer très fort ?
Que sais-tu des amours porteuses,
Toutes faites, d’abnégation,
Et des étreintes fougueuses
Qui font frôler l’aliénation ?
Nul ne peut vivre sans amour,
Peut importe le calendrier ;
Un être seul vit le cœur lourd,
Prompt à se recroqueviller.
Un jeune cœur se relève
De ses chagrins et ses soupirs,
Mais un aîné privé de rêve,
Préférerait plutôt mourir !
Tu es jeune ; tu ignores
Que si les feuilles jaunissent,
Le cœur du tronc bat encore
Et ses branches refleurissent.
Tu t’étonnes qu’on s’attendrisse
En voyant un bouton de rose,
Et à ton copain tu glisses :
Tu te rends compte, ils osent !
On n’a pas tes vingt ans, d’accord,
Mais bien qu’ayant plus du double,
De ton âge, on vibre encore
Et on plaint ta vision trouble.
De mon temps, on naissait homme,
Du vôtre, on essaie de l’être ;
Vous êtes entre deux chromosomes
Et misez tout sur le paraître.
Je ne t’en veux pas, fier-à-bras,
Les circonstances atténuantes,
Tu les dois à ton âge ingrat
Et ta jugeote balbutiante.