Au gré d'une promenade, aujourd'hui,
J'ai vu une dame respectable,
Debout à une station de taxi,
Faisant une queue interminable.
Elle pourrait être toi, cette femme,
Adolescente de ma jeunesse ;
Petite sœur de ma jeune âme,
Objet des premiers élans de tendresse ?
Je crois te reconnaître en elle,
Malgré les outrages faits par le temps,
A l'une des images les plus belles,
Couvée depuis lors, par mon cœur aimant.
Sortie du fin fond de ma mémoire,
Cette image est venue taquiner
Les reliques du bon vieux temps de gloire,
Où, encore étudiants, on plastronnait.
Les circonstances et les vents contraires
Nous firent emprunter différents chemins,
Je rentrai chez moi par la voie des airs,
Après t'avoir vue prendre le dernier train.
On était jeunes et pas encore prêts
A affronter les choses sérieuses ;
Moi j'avais un diplôme à préparer
Et toi une famille sourcilleuse.
Trois décennies plus tard, le grand-père
Que je suis est attendri, à l'idée
Qu'elle peut-être devenue grand-mère,
Cette femme mûre au visage ridé.
Ou alors, la vie, bien au contraire,
Ne t'aurait pas du tout fait de cadeau,
Et aurait, de galère en galère,
Fait voguer sans but ton frêle radeau ?
Jugeant la seconde hypothèse
Un peu trop dure à envisager,
J'optai pour celle qui met à l'aise
Et place la conscience hors de danger.
Les parcours de la vie sont sinueux,
On ne sait jamais où ils aboutissent ;
On avait rêvé d'une vie à deux,
On n'en a jamais vu les prémisses !
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