Elle sortait d’une douloureuse aventure,
De celles qui marquent le plus profond de l’être.
Elle croyait être tombée sur un amour sûr
Et une âme sœur qu’elle pensait bien connaître.
Elle se sentait vidée de sa substance,
Au sortir d’un tendre rêve les yeux ouverts.
Elle connut l’amour fou, avant l’inconstance,
Puis l’indifférence et maints autres revers.
Elle réapprenait peu à peu à vivre,
Mais l’apprentissage était difficile.
Une romance digne du plus beau livre
Qui finit mal, ne vous laisse pas tranquille.
Chaque souvenir qui revient à la surface,
Fait remonter avec lui trop d’amertume.
Chaque image, chaque lieu, chaque place,
Ressuscite le couple et ses coutumes.
Elle avait enfin commencé à sortir
Dans l’espoir d’échapper un jour à cet enfer
Qu’est le repli, à ressasser les souvenirs,
Et à se dire qu’elle aurait pu mieux faire.
Avec une amie, elle avait accepté
D’aller à la pendaison d’une crémaillère.
Elle était disposée à se faire inviter
Partout, pourvu qu’elle laisse le passé derrière.
Ce jour là, arrivée à la résidence,
Un air incendiaire l’accueillit à l’entrée.
C’était la chanson de sa première danse
Avec le premier homme qu’elle avait aimé.
Elle sentit que sa tête allait éclater.
Les blessures qu’elle s’efforçait de panser,
De nouveau ouvertes, se mettaient à suinter,
Avec cet air sur lequel elle avait dansé.
Arrêtez cette musique, elle me déchire !
Cet air que j’adorais fait souffrir mon âme.
Sur ces belles notes, tout mon être chavire ;
Elles viennent attiser de bien tristes flammes.
De grâce, ma sensibilité est à vif
Et mes glandes lacrymales se sont taries !
Les souvenirs remontent et se rebiffent ;
Ils ravivent des plaies que je croyais guéries.
Inexorable, le destin se joue de nous.
Les cœurs tendres ou meurtris, il n’en a cure.
Il les porte aux nues puis les traîne dans la boue
Et livre leurs rêves à la moisissure.